Il y a presque quatre ans, le 11 mai 2001, Douglas Adams passait de façon totalement improbable l’arme à gauche alors qu’il n’avait que 49 ans. Cet auteur adulé par de très nombreuses personnes est entre autres à l’origine de la trilogie en cinq volumes du Guide du routard galactique (renommé en France Le Guide Galactique à la suite d’une plainte de l’éditeur du Guide du Routard). Ceux qui ne connaissent pas ne vont pas tarder à faire la découverte de la Vie, de l’Univers et du Reste puisque le film [site / teaser / affiche] est justement prévu pour dans quatre mois. Je ne vais pas vous résumer les cinq bouquins, mais le postulat de départ est le suivant : Arthur Accroc (Arthur Dent), simple citoyen britannique, essaye de sauver sa maison des pelleteuses qui la promettent à un destin fait de poussière et de béton concassé pour laisser place à une déviation ultra-moderne. C’est ce moment que choisit son meilleur ami Ford Escort (Ford Prefect) pour lui apprendre qu’il n’est en fait pas terrien mais travaille comme rédacteur pour le Guide du Routard Galactique (dont le credo est : « Pas de Panique ! »). S’il dévoile son identité, c’est parce que des vaisseaux de démolition Vogons se mettent à encercler la Terre qui doit être détruite pour laisser place à une déviation hyperstatiale. Alors que la Terre est détruite, Arthur et Ford réussissent à se sauver et Arthur découvre que l’Univers est très grand, très très peuplé, et très très très bizarre (d’ailleurs vous pouvez revivre toutes ses aventures sur cette version en Flash du jeu original).
Entre autres choses invraisemblables inventées par Douglas Adams dans ses bouquins, il y a le fait que d’après le Guide, la serviette est l’objet le plus utile et indispensable pour une personne qui veut parcourir l’univers. S’ensuit une floppée de descriptions sur tous les usages possibles de la serviette (dont le plus incroyable est certainement celui qui permet d’échapper au Hanneton Glouton de Tron, qui est très glouton mais aussi très con). D’ailleurs, sur cette photo du film où l’on voit Zappy Bibicy (Zaphod Beeblebrox), Trillian, Marvin et Ford, on peut voir que ce dernier porte de façon très élégante la serviette.
Bref, en mai 2001, lorsque la nouvelle de la mort de Douglas Adams eut été connue, cela a créé une espèce de stupeur sur le net puisque bizarrement ce sont les informaticiens qui l’appréciaient le plus. Par exemple, le nom du poisson de Babel qui traduit toutes les langues a été utilisé par le premier service de traduction en ligne, Babelfish. Le nombre 42 est l’en-tête binaire du format de fichier TIFF, sans compter qu’une recherche de « the answer to life, the universe and everything » sur Google ou MSN Search répond invariablement « 42 ». Je n’ai pas trop fouillé mais j’ai aussi très souvent trouvé sur mon chemin des références à la Corporation Cybernétique de Sirius et au secteur ZZ-9 Pluriel Z Alpha.
Toujours est-il qu’à l’époque, des gens bien intentionnés ont décidé de faire du 25 mai 2001 le jour de la serviette. Le principe était (et est toujours, a priori) de porter une serviette toute la journée en hommage à Douglas Adams, et eventuellement en prévision d’une destruction inopinée de la Terre. Comme je trouvais l’idée intéressante, je l’ai fait.
Donc me voilà, ce vendredi 25 mai, avec une serviette tout à fait banale sur les épaules (de la même couleur que celle de Ford, d’ailleurs !). Dans le métro, déjà, tout le monde s’en foutait. Après tout c’est Paris, hein, ça ne m’a pas trop étonné. Par contre j’avais un doute sur mes collègue : je précise qu’à l’époque je travaillais chez Lexbase, entouré de plein de gens sérieux (avocats, ingénieurs, commerciaux, juristes de toute sorte, certains hauts placés) dont une bonne partie étaient de la génération d’avant. Donc, bon, j’arrive, je m’installe, j’enlève mon manteau, mais bien entendu je garde la serviette. Je dis bonjour à mon collègue développeur (salut Tito), et je commence à bosser. J’ai dû, bien entendu, me déplacer plusieurs fois dans la journée pour aller dépanner des gens, etc. Et AUCUNE RÉACTION ! Même les boss me disaient bonjour sans rien ajouter. Je savais que j’avais une réputation de timbré mais quand même pas à ce point-là. Donc, bon, je sors m’acheter un sandwich, je reviens, je mange, on vient me demander conseil… Toujours rien. L’après-midi se passe, et aucun regard interrogatif.
C’est alors qu’au moment où je m’apprête à rentrer à la maison, mon collègue me regarde et me demande :
« – Euh… au fait, la serviette, c’est pourquoi ?
– C’est parce que c’est le jour de la serviette.
– Ah… d’accord. »
Ce jour-là, je me suis effectivement rendu compte que je passais pour un fou.
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