Note de Deckard du 12/07/2006: Malheureusement Shyrkan traverse actuellement une mauvaise passe tant personnelle (séparation) que professionnelle. Aussi ne sachant pas ce que l'avenir lui réserve, nous avons convenu d'un commun accord d'arrêter l'interview pour le moment, de la publier telle quel et d'attendre de voir comment les choses évoluent. Il n'est donc pas exclu qu'un jour cette interview soit complétée et achevée.

Encore merci à toi Shyrkan d'avoir passé un peu de temps en ma compagnie pour ce jeu de questions/réponses et je te souhaite de revenir rapidement dans une situation plus sereine.

Comme préambule, vous pouvez lire le dossier sur MCS toolbox 1 en cliquant >ici<.

Questions générales

D'où provient ton pseudo? Quel était le nom de ton groupe? Combien étiez-vous?

Mon pseudo est issu du livre de la jungle, plus précisement de Sheer Khan (le tigre) et c'est devenu Shyrkan. Je trouve ce perso plutôt marrant.

Notre groupe était composé de 2 personnes : Super Hacker et moi.
On s'appelait le MCS (pour Masters Cracking Service).
J'ai connu Super Hacker (noté aussi SH dans le reste de l'interview) au lycée.

Le côté un peu pompeux du nom de notre groupe est volontaire. On ne voulait pas se prendre la tête et d'ailleurs notre coté léger se sent dans les éditions de la toolbox. Par exemple, on avait inventé des noms de groupes fictifs comme Royal Crackers Family (GB), Vodka Crack Gang (URSS) et German Crackers Connection (RFA). C'était pour se marrer parce qu'à l'époque bon nombre de soit disant groupes pirates passaient plus de temps à s'imaginer des pseudos qu'à développer.

Nous avions des rôles complémentaire : incontestablement SH était le génie de l'informatique, discret et timide. J'étais une force de proposition.

Quand, comment et pourquoi as-tu acheté ton premier Apple II?

Au début, j'ai eu un TI99 4A.
J'avais écrit 2 jeux dessus (parution dans Hebdogiciel) et j'avais le sentiment d'avoir plus ou moins fait le tour de la machine (avec la mini mémoire, les diskettes et tout le reste...)
Par ailleurs, l'UC chauffait beaucoup, était en proie à des plantages dus à l'électricité statique, bref ça devenait du matos un peu léger.

A l'époque, l'Apple était la meilleure machine.
Ce fut ma principale motivation en plus du fait que je savais que je pouvais avoir plein de softs copiés dessus. L'offre jeux était vraiment énorme sur apple. Bref, je voulais un apple II, car c'était plus classe, plus vrai.

Ca peut paraitre étrange, mais j'aimais bien le bruit des touches du clavier que je trouvais particulier...(!!) Il était caractéristique d'un clavier de bonne qualité et en plus la course des touches était plus importante donc faisait plus de bruit que mon TI. Difficile à expliquer mais c'est un peu comme la différence aujourd'hui entre un portable et un clavier grand format.

Pour résumer, j'ai eu un II+, un IIc et un IIGS (j'ai du mal à dater l'arrivée de chacun).
Mon préféré fut le GS, pour son synthétiseur de son et son look Macintosh...

Quelle était ta configuration (caractéristiques)?

A l'époque plutôt classique avec deux lecteurs, rien de folichon, pas de carte et puis je suis vite passé au IIc mais là t'es plutot coincé pour bidouiller...
Pourtant je ne me sentais pas à l'étroit dans 64 ou 128k.
Je faisais beaucoup de chose sous moniteur et un peu avec l'assembleur Merlin.

Combien de temps a duré ta passion pour l'Apple II?

Jusqu'à la fin avec l'achat de mon premier Mac Power PC.

En moyenne combien de temps passais-tu sur l'Apple II?

Tous les soirs et week end, ça devait faire au moins 15h par semaine...
Tout ce temps dédié à l'Apple a eu des conséquences sur mes études : j'ai redoublé ma première S.
Malgré la passion à cette époque, je ne pensais pas en faire un métier.

Etais-tu en relation avec beaucoup d'autres Apple II maniaques? Par quel biais les rencontres se sont-elles faites?

A l'époque nous fréquentions pas mal l'équipe de « Docs On The Rock ».
Je me souviens d'avoir eu kristo au tél un soir pour expliquer le déplombage d'Arlequin. C'est comme cela que j'ai connu Godfather, mais s'en souvient-il?

Nous avons dû avoir aussi au tél une ou deux fois Mister Z, le Grand déplombeur suisse, si ma mémoire est bonne.

*** Note de Deckard : Mister Z a fait parti des groupes B.P.S. (Bank Of Pirated Software), GSA (GS Alliance), ...

J'aimais beaucoup aussi Lot and TMM, Capslock et d'autres.

Mais à part les relations suivies avec Capslock et la bande des Lyonnais, les autres relations étaient très distantes.

Contrairement à ce que laissait supposer un fichier de MCS Toolbox 1, je ne connaissais pas personnellement Aldo Reset.

De façon régulière, il y avait des rencontres 2 fois par an, surtout avec l'Apple expo, mais aussi lors d'un regroupement annuel privé. Pour ce dernier, il y a trop de gens impliqués et de ce fait, il m'est difficile d'en parler.

Cherchais-tu à élargir le nombre de tes contacts ? Via des magazines ou d'autres serveurs minitel ? Y a-t'il eu des frictions avec certains?

Je n'ai jamais fait parti d'un club informatique et n'ai pas cherché des contacts dans la presse informatique/ludique, y compris pour compléter ma logithèque. Je n'ai pas eu non plus de contacts à l'étranger et ne je fréquentais pas de forums télématiques.

Nous avions un contact parisien qui servait de relai pour notre diffusion. Son pseudo était Sphinx et il apparaissait aussi dans les listes des membres du MCS. Il avait un serveur V23 nommé Guépard.
J'étais peu actif sur ce sujet et ma mémoire est défaillante. Aussi je ne peux pas te dire quel usage il en faisait (si c'était un forum de discussions, s'il proposait les softs piratés par le MCS dessus, etc...)

Il n'y a jamais eu de tensions avec mes contacts apple maniacs et ce quelque soit le sujet (cracks, etc...)

A la fin des années 80, il y eu un autre groupe : le Lyon's Gang dont fit partie aussi Capslock. J'ai l'impression qu'il y a une forte revendication régionale dans cette partie de la France. Je me trompe ?

<Sans réponse>

Fréquentais-tu le serveur minitel RTEL?

Je connaissais son existence mais je n'y allais pas.

Correspondais-tu à l'image habituelle du "nerd"?

Non, pas vraiment, j'étais plutôt très curieux et fasciné par le potentiel.

A cette époque, on t'aurais proposé de cracker la dernière news ou un repas en tête à tête avec une jolie fille, quelle option aurais-tu privilégiée?

La jolie fille. Pour extrapoler ta question, à ce moment là, j'avais une copine, et j'étais plutôt normal. Je sortais fréquemment avec des potes et n'étais pas du genre renfermé.

Questions sur ta période pirate

Quelles furent tes premières motivations qui te poussèrent à déplomber?

Comprendre comment les pirates faisaient. Surtout je voulais mettre mon nom sur une intro avec une image cachée dans les secteurs et ensuite j'étais content.

Comment as-tu appris? (livres, cracking techniques, ...)

Beneath apple Dos et Prodos, la bible, et les diskettes de déplombages du Disc Jockey qui était pour moi à l'époque le plus clean de tous.
Je parlais déjà très bien anglais donc c'était très facile pour moi de plonger dans les docs des US. Ensuite l'ouvrage de *********** ******** est devenu la référence.
J'ai aussi appris des trucs de déplomb par d'autres pirates, essentiellement Capslock et SH.

Quel est le premier soft que tu as déplombé, racontes nous tes joies?

Snoopy je crois. Je me souviens mal de la protection.

Combien de softs as-tu craqué? Comment te procurais-tu les originaux?

Les originaux étaient fournis par des copains qui les achetaient.
C'est pour cela que tu trouves des pseudos comme Dolce Vota, Disk Devil et Scarface par exemple cités dans MCS Toolbox 1.
Il s'agissait de nos « fournisseurs ». Ces pseudos furent généralement à usage unique.

Mais ça ne représentait pas énormément de softs.
Au final, je crois que le MCS en a cracké une trentaine.

Quelques titres : Arlequin 1.1, The tracer sanction, The designer's pencil, Sands of Egypt, Bruce Lee, Disks Golden, Budget Familial, Tap //c, Snoopy, ... dur de s'en souvenir...
Il faudrait que je retrouve les diskettes.

Nous avons déplombé aussi quelques titres sur GS. C'était plus simple sur cette machine. A part Bard's Tale GS, je ne me souviens plus. Il y avait peu de jeux et moins d'intérets économiques à protéger...

Jouais-tu souvent aux jeux déplombés par tes soins?

Non. Mais je savais si c'était bien déplombé par le biais de mes potes de lycée qui eux y jouaient.

Crackiez-vous chacun de votre coté ou ensemble? Bref, comment fait-on avec un seul original quand on est 2?

C'était variable. Parfois nous crackions ensemble, parfois séparément...
On ne désassemblait pas tout le soft.
Tout dépendait de la protection utilisée. Il fallait déjà bien comprendre si la RWTS était modifiée ou pas.
On utilisait tous les outils de l'époque : Advanced Demuffin, Nibble Away II, Locksmith, etc...

Quelles ont été les protections qui t'ont donné le plus de fil à retordre ?

Arlequin je crois et un jeu de role d'Infogrames intitulé La Geste d'Artillac.

T'es tu cassé les dents sur un soft en particulier?

On ne peut pas vraiment parler d'échec. C'est toujours une question de temps pour venir à bout d'un soft. Tout d'abord, on avait peu d'originaux et ensuite les cracks arrivaient tellement vite qu'à la fin on laissait tomber si un autre pirate avait fini le travail avant nous.

Revendiquiez-vous un bon niveau de déplomb?

Moi non, plutôt tres moyen mais SH figurait largement parmi les meilleurs.

Prenais-tu des précautions particulières pour ne pas te faire pincer?

Non, on était relativement discret sauf lorsque qu'on faisait des copy party à la Fnac avec Locksmith 5.0 qui tournait sur les becanes de démo.
Mon entourage proche n'était pas au courant de mes activités de pirate.

S'il y a bien une chose qui m'a toujours intriguée, c'est la possibilité de copier des softs à la Fnac à la belle époque. Je te pose en vrac quelques questions sur celle de Lyon:
- Combien d'Apple II y avait-il de dispo? avec 2 drives?
- Les copy party concernaient les logiciels vendus à la Fnac ou les softs que vous ameniez alors avec vous?
- Si ce sont les softs de la fnac: les softs étaient-ils sur des présentoires comme aujourd'hui? Etaient-ils sous plastique scellé? Comment pouvait se faire la copie si les softs étaient plombés?
- Y avait-il un complice en interne pour remettre les programmes sous plastique après?
- Les lecteurs de disquettes n'étaient pas verrouillés?
- Les disquettes des jeux présentés en démo sur les autres machines étaient encore dans les drives? Etaient-ce elles que vous piratiez?
- Quelle était la fréquence de ces incursions à la Fnac?
- Etait-ce prémédité avec tes contacts d'alors?
- Vous étiez combien sur le coup?
- Etait-ce le moyen le plus économique pour répandre tes déplombages (pas de frais postaux)?
- Combien de temps durait une copy party?
- Tu dis que ce n'était pas discret : Comment réagissait les gens (clients) du magasin quand ils vous voyaient en train de faire des copies? Ils s'incrustaient pour en savoir plus? Allaient-ils acheter des disquettes vierges et revenaient-ils pour avoir des copies aussi?
- N'y avait-il pas de vendeurs qui surveillaient les machines?
- Est-ce que la Fnac a fini par adopter une parade à ces copy parties?

<Sans réponse>

Sais-tu si tes cracks se sont bien diffusés?

C'est difficilement appréciable. Au lycée, en tout cas : oui !
Par ailleurs, certains de nos cracks n'étaient pas signés.

En dehors du piratage, faisais-tu autre chose sur Apple II?

Pour ma part, je collectionnais les softs surtout. J'avais des armoires pleines de jeux et d'applis que, bien entendu, je n'utilisais que très rarement. Je devais bien en avoir dans les 2000.

A l'époque j'aurai bien été tenté de me lancer dans l'aventure et republier un truc dans Hebdogiciel. Mais finalement, je suis parti à l'étranger faire mes études...

On a aussi fait un MCS toolbox 2, mais qui apparemment s'est mal diffusé.

Super Hacker a écrit un logiciel qui a bien marché commercialement.
Il a fait l'objet d'articles dans la presse (française et étrangère).
En France il a eu le support d'une entité très impliquée sur l'Apple II à l'époque.
On peut encore trouver son programme sur internet aujourd'hui.
Je n'en dirais pas plus pour ne pas compromettre son identité.

Participais-tu à d'autres productions underground ?

<Sans réponse>

Pourquoi avoir écrit un virus?

L'idée de Load Runner est venu un soir tranquillement puis j'ai revu Super Hacker le lendemain au lycée et je lui ai dis que le secteur de boot pouvait recueillir une routine virale. Il a alors travaillé sur le code et je crois même que j'ai encore le source Merlin quelque part.

Il faut préciser qu'il était non destructeur puisqu'il se contentait de modifier le boot (il n'y avait pas d'autres secteurs chargés ou impactés). Mais surtout il nous a d'abord frappé puisque je me souviens qu'un bon nombre de mes diskettes furent infectées lors de la mise au point. Mais je dirais avant tout que le challenge technique était notre principale motivation et surtout Super Hacker avait trouvé l'astuce. L'idée était partie de ce secteur de boot qui me fascinait, ainsi que la RWTS et aujourd'hui il n'y a plus cette qualité puisque beaucoup moins de contraintes.

Comment l'avez-vous mis en circulation ? Sur un soft particulier ?

<Sans réponse>

Avais-tu le sentiment d'être connu? Parlait-on de toi dans la presse? Si oui quel effet cela te faisait?

Non, en tout cas pas avant l'épisode « Load Runner » qui a été, je crois, notre moment de notoriété.

Qu'est ce qui a été dit ? Comment a réagi l'underground ?

Je n'ai pas eu d'écho de la scène mais j'ai lu la presse...

*** Note de Deckard: Il semblerait pourtant que le M.C.S. se fit quelques ennemis comme en témoigne ces quelques écrans trouvés dans la production Tiger Slide Show II du groupe F.U.C.K.

As-tu le sentiment que ce fut une incitation pour d'autres hackers qui firent ensuite d'autres virus (Dave, Starfighter I & II, ...) ?

<Sans réponse>

Par la suite, nous n'avons pas fait d'autres virus.

Sur la page écran du virus Load Runner, il est mentionné: distributed by Artistes Associés. Quelles étaient les relations MCS et AA/LSD (Lyon Software Distribution) en dehors du fait que vous étiez lyonnais?

Aucune, c'est une récupération, ou alors je ne me souviens pas d'une telle organisation.

*** Note de Deckard : d'après une source, LSD (Lyon Software Distribution) était l'ancien nom de groupe (1987-1988) de AA (Artistes Associés : 1988-1991). Les membres de ces groupes sont les mêmes personnes : B. Capslock et Gronk. (Des GS on the rocks étaient signés LSD).

Questions sur le présent

Quel age as-tu maintenant et qu'es-tu devenu? Ton métier a-t'il toujours un lien avec l'informatique?

38 ans. Je ne souhaite pas divulguer des informations sur mon parcours professionnel ;-)

Y a t-il dans ton métier autant de passion qu'à l'époque Apple II?

Non, mais c'est l'âge.

Est-ce que cette période Apple II t'a été profitable pour ton métier?

Enormément. Elle m'a permis d'avoir une grosse connaissance des jeux cultes et des sociétés.

Es-tu toujours un mordu de la pomme?

J'ai eu un PC mais je reste un grand fan d'apple.

Quel rôle penses-tu que l'Apple II ait eu dans l'histoire de la micro informatique?

Fondamental. Je crois que encore aujourd'hui il n'y a pas sur le marché d'offre équivalente à ce que proposait l'apple à l'époque.

Fréquentes-tu toujours un underground informatique?

Non. Ce temps là est révolu. Il n'en demeure pas moins que je suis toujours en contact avec d'anciens de l'Apple II comme SH, B. Capslock et Gronk par exemple.

Regrettes-tu ce passé de déplombeur?

Non. Mais aujourd'hui j'achète les logiciels dont j'ai besoin.
J'utilise surtout le mac pour tout ce qui touche à internet, aux dvd et à la musique.

J'ignore si tu as des enfants mais si c'est le cas et que tu apprennes qu'il(s) fréquente(nt) un milieu de piratage, quelle serait ta réaction?

Je ne sais pas, j ai un enfant de 10 ans, et sa passion c'est la PSP, la PS2, etc.. et j'ai la chance de pouvoir lui proposer des jeux originaux (version promodisk des jeux en magasins) donc il n'a pas besoin de patcher sa console...

Quel est ton sentiment sur le piratage d'aujourd'hui?

C'est surtout devenu plus développé avec internet. On se perd un peu avec tous les nouveaux groupes de la "scene", mais je trouve qu'il y a une plus grande violence, une meilleure organisation évidemment, il manque ces matinées à attendre le facteur avec un paquet d'une bonne dizaine de disquettes.

Internet est un formidable accélérateur et en même temps la compétition est rude donc les groupes se professionnalisent pour être les premiers, les plus forts, etc... RAZOR par exemple ou H2O.

C'est important de comprendre qu'aujourd'hui la protection absolue n'existe pas et que le modele économique est en train de changer radicalement (DRM etc....)

Notes de Deckard pour une prochaine release de l'interview (attente de Shyrkan si c'est récupérable):